Le voyageur effectue la traversée seul à bord d’une felouque, puis, aussitôt qu’il découvre la plage, celle-ci lui paraît dangereusement étroite. Il tire son embarcation au sec, s'abrite entre deux rochers. Il doit reprendre des forces, demeurer quelques jours sur cette rive avant d’entreprendre l’ascension du mont à mi-pente duquel devrait s’enfouir le temple, ou les ruines du temple dont ses recherches dans les bibliothèques de plusieurs continents lui ont permis de deviner l’existence en ce lieu, et qu’il veut explorer. Mais la première nuit, il est assis dans le sable, éclairé par une lune pleine et léché par les vagues, avec au-dessus de lui le mont couvert d’une forêt épaisse, inextricable, agacé par les oiseaux, des tortues hautes comme des ânes, avisant de loin les frondaisons d'arbres dont les feuillages se balancent comme houppes à poudrer, réveillé quelquefois, quand le sommeil le prend, par un bruit insituable de cascade ou de fontaine.
L'être parlant est soumis à l’ordre de la langue . Il l’est depuis son plus jeune âge et jusqu'à son dernier souffle. Et il l’est quel que soit son milieu social, son niveau de culture et son désir éventuel de “faire péter les règles”. À l’intérieur de cet ordre, il trouve sa liberté mais il n’est pas libre de s’en affranchir. Pour autant, s’il y est soumis depuis toujours, ce n’est pas depuis toujours qu’il en a conscience. Le petit enfant parle comme il respire, ce qui signifie que la langue qu’il parle et qu’il entend est pour lui un élément naturel, au même titre que l’air. Et il parle aussi comme il bouge ses bras et ses jambes, ce qui signifie qu’il a le sentiment que cette langue lui appartient aussi bien que son corps. Et il reste dans cette douce illusion jusqu'au moment de sa rencontre avec l'écrit. L'école a pour mission de ménager cette rencontre et de la nourrir. Les personnes qui nous gouvernent, et qui souvent sont fort instruites, peuvent décider que...
Commentaires
Enregistrer un commentaire