Mes logeurs m’ont parlé du bal qui devait avoir lieu dans la salle des fêtes du village voisin. Il y avait un autobus pour m’y rendre et, une fois là-bas, il se trouverait bien quelqu’un pour me ramener en voiture. Les jeunes ici commencent à me connaître. Ils m’ont en sympathie. Mais, après être resté assez longtemps à écouter la musique et à regarder ceux qui dansaient, comme j’avais bu de la bière et mangé une assiette de frites, j’ai préféré rentrer à pied. Déjà je m’éloignais. La lumière du bal, les rires et la musique étaient derrière moi, et je ne sais pas dire s’ils sont restés dans ma tête ou si je les entends encore, maintenant que j’en suis à marcher sur ce chemin de campagne, dans la nuit où il pleut: une pluie fine et patiente comme on en connaît peu chez nous, quelquefois au printemps, mais qui est ici monnaie courante. Et l’expérience de cette marche dans l’obscurité d’une campagne où il pleut, avec ses ombres qui bougent, l’eau qui clapote sur mon parapluie et les aboiements d’un chien invisible dont il me serait néanmoins facile de dessiner la silhouette, debout dans la cour d’une ferme, le museau et les oreilles dressées, n’est-elle pas celle que j’avais imaginée il y a bien longtemps et qui m’a décidé à venir m’établir, pour quelques mois au moins, dans ce lointain pays?
D’où m’est venue cette idée? Je crois qu’elle date de l’enfance, d’un jour où j'étais malade, où j’avais de la fièvre, une grippe sans doute, et où, pendant tout un long après-midi où j'étais couché, avec ma mère qui tricotait à mon chevet, j’ai lu Le Grand Meaulnes.
Alors, j’ai su que le vrai pays était là-bas, et qu’un jour je devrais le rejoindre.
Que c est beau ,si bien écrit …états d Âme d un si beau récit
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