Les dimanches de printemps reviennent chaque année. Cela ne manque pas. Ils le font depuis si longtemps. Toujours avec la même ostentation. Le même toupet. Comme s’ils ne savaient pas, qu’ils ne voulaient pas savoir. Des dimanches où soudain, dès le matin, les rues se vident. Non pas que les habitants se cachent mais parce qu’ils sont partis, pas bien loin, d’où ils reviendront le soir, le nez rougi par le soleil, et je crois savoir où ils sont allés. Parce que je me souviens y avoir été, il y a bien longtemps, ou peut-être que j’invente. Souvent je ne sais plus si je me souviens ou si j’invente, ou si peut-être j'ai rêvé. Ce n’est pas que cela fasse une grande différence, c’est la violence des images plutôt qui m’émeut. Leur précision et leurs couleurs si vives. Se peut-il qu’attachées à ces images, j'aie des histoires à raconter. Et ce n’est pas non plus que je tienne à raconter des histoires mais les images ne se racontent pas. Elles apparaissent derrière vos yeux, comme projetées sur un miroir, dans une chambre où maintenant il fait soleil. Le Sud. Je me souviens, ou peut-être j’ai rêvé. Je vois les terrasses plantées d’oliviers, les cerisiers du printemps, la pergola. Comme je vois aussi l'éclat de la mer. Le môle. Les blocs de béton basculés près des rochers, la nudité des corps et le sel de la mer. Vous dire d’où cela me vient, je n’ose. Une telle distance m’en sépare. Comme d’une autre planète. Mais il y a un hanneton qui entre dans la chambre. La nuit, un rossignol invisible chante dans le jardin. La campagne se tait pour l’écouter qui chante, seul sur son arbre, tandis que, dans l’éclat du jour qui vous réveille, le hanneton passe la fenêtre dans l’encadrement de laquelle il reste en suspens, sévère, attentif, comme un engin télécommandé de surveillance.
L'être parlant est soumis à l’ordre de la langue . Il l’est depuis son plus jeune âge et jusqu'à son dernier souffle. Et il l’est quel que soit son milieu social, son niveau de culture et son désir éventuel de “faire péter les règles”. À l’intérieur de cet ordre, il trouve sa liberté mais il n’est pas libre de s’en affranchir. Pour autant, s’il y est soumis depuis toujours, ce n’est pas depuis toujours qu’il en a conscience. Le petit enfant parle comme il respire, ce qui signifie que la langue qu’il parle et qu’il entend est pour lui un élément naturel, au même titre que l’air. Et il parle aussi comme il bouge ses bras et ses jambes, ce qui signifie qu’il a le sentiment que cette langue lui appartient aussi bien que son corps. Et il reste dans cette douce illusion jusqu'au moment de sa rencontre avec l'écrit. L'école a pour mission de ménager cette rencontre et de la nourrir. Les personnes qui nous gouvernent, et qui souvent sont fort instruites, peuvent décider que...
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