Accéder au contenu principal

Gauche et droite

Le discours du capitalisme consiste à vous dire que, si vous avez une jolie voiture, il serait bien pour vous d'en acheter une plus récente, plus perfectionnée et plus chère. Évidemment, ce discours, on n'est pas obligé de le croire. Mais cela ne signifie pas pour autant que le capitalisme, en tant que système économique, soit à condamner. Il faudrait pour cela qu'il en existe un autre qui soit plus efficace et plus juste, ce qui ne s'est jamais vu. Et aussi longtemps que le capitalisme continuera de fonctionner en tant que système économique, le discours du capitalisme continuera de se faire entendre.

Alors, que faire? La réponse me paraît claire. En face du discours du capitalisme, nous avons besoin d'un discours qui le contrebalance.

Le discours du capitalisme consiste à confondre le prix et la valeur. Nous avons donc besoin d'un discours qui ne les confonde pas. Qui les dissocie, au contraire, sans nécessairement les opposer. Et c'est en cela, me semble-t-il, que devrait consister le discours de gauche.

Il existe de nombreuses professions qui reposent sur le principe selon lequel valeur et prix ne se confondent pas: ce sont celles des militaires, des policiers, des soignants, des pompiers, des gens de loi, des éducateurs, des artistes, et d'autres encore. Il serait naturel qu'à ce titre tous ceux-là soient de gauche. La gauche devrait être l'idéologie spontanée de toutes ces professions, comme la droite est bien celle en effet des commerçants, des entrepreneurs et des banquiers. Mais c'est loin d'être le cas.

Nous n'avons d'autre choix que le dialogue entre deux idéologies spontanées, qui correspondent à des positions sociales différentes. Et à des réalités différentes. Mais pour que ce dialogue existe et soit productif, il doit être considéré comme indépassable dans les deux camps.

Je veux dire que chacun, dans son camp, doit admettre une fois pour toutes que l'autre camp existe et qu'il existera toujours. Qu'il ne s'agit pas de le vaincre mais de le contrebalancer. De négocier avec lui. Et d'une certaine façon, oui, de coopérer avec lui pour le bien du pays.

Je ne vois pas qu'aujourd'hui, en France, la droite ignore son autre, son ailleurs, ni qu'elle le méprise. Tandis qu'une partie de la gauche, celle qui parle le plus fort, oui.

Je pense qu'en France, aujourd'hui, la droite libérale joue son rôle, qu'elle le remplit plutôt bien. Mais nous ne devons pas nous attendre à ce qu'elle joue pour autant le rôle que devrait jouer la gauche, et qu'elle ne joue pas.

Cela veut dire que la gauche jouera enfin son rôle quand elle renoncera à l'idée de révolution. Il semble que c'est ce qu'elle a réussi à faire dans beaucoup de pays. Pourquoi pas en France?

L'idée de révolution est le chancre de la gauche française.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

L'école de la langue

L'être parlant est soumis à l’ordre de la langue . Il l’est depuis son plus jeune âge et jusqu'à son dernier souffle. Et il l’est quel que soit son milieu social, son niveau de culture et son désir éventuel de “faire péter les règles”. À l’intérieur de cet ordre, il trouve sa liberté mais il n’est pas libre de s’en affranchir. Pour autant, s’il y est soumis depuis toujours, ce n’est pas depuis toujours qu’il en a conscience. Le petit enfant parle comme il respire, ce qui signifie que la langue qu’il parle et qu’il entend est pour lui un élément naturel, au même titre que l’air. Et il parle aussi comme il bouge ses bras et ses jambes, ce qui signifie qu’il a le sentiment que cette langue lui appartient aussi bien que son corps. Et il reste dans cette douce illusion jusqu'au moment de sa rencontre avec l'écrit. L'école a pour mission de ménager cette rencontre et de la nourrir. Les personnes qui nous gouvernent, et qui souvent sont fort instruites, peuvent décider que

Le meurtre de Michèle Soufflot

Le meurtre de Michèle Soufflot a bouleversé notre quartier. D’abord parce qu’il ne peut être que le fait d’un maniaque, et que ce maniaque, il y a toutes les chances pour qu’il demeure parmi nous, prêt à récidiver. S’en étant pris impunément à elle, il faudra qu’il s’en prenne à d’autres, nous ne manquons pas d’ivrognes et de fous pour lui servir de proies. Il suffit d’attendre que l’occasion se présente. Une nuit de lune vague après la pluie. Et puis, parce que Michèle Soufflot était notre fantôme le plus ancien et le plus assidu. En toute saison, à toute heure du jour ou de la nuit, il arrivait qu’on la voie marcher seule, parler seule, tourner au coin des rues, d’un pas rapide de quelqu’un qui court à une affaire, vêtue d’une chemise de nuit sous un manteau, les deux mains enfoncées dans les poches du manteau, des chaussettes et des pantoufles aux pieds, tandis qu’elle ne courait après rien ni personne de visible. Un fantôme qui court après d’autres fantômes, voilà ce qu’elle était.

Un père venu d’Amérique

Quand Violaine est rentrée, il devait être un peu plus de minuit, et j’étais en train de regarder un film. Le second de la soirée. À peine passé la porte, j’ai entendu qu’elle ôtait ses chaussures et filait au fond du couloir pour voir si Yvette dormait bien. Dans la chambre, j’avais laissé allumée une veilleuse qui éclairait les jouets. Violaine l’a éteinte et maintenant l’obscurité dans le couloir était complète. Et douce. Elle est venue me rejoindre au salon. Elle s’est arrêtée sur le pas de la porte. Pas très grande. Mince pas plus qu’il ne faut. Yeux noirs, cheveux noirs coupés à la Louise Brooks. Elle a dit: “Tout s’est bien passé? — À merveille. — Elle n’a pas rechigné à se mettre au lit? — Pas du tout. Je lui ai raconté une histoire et elle s’est endormie avant la fin. — Elle n’a pas réclamé sa Ventoline? — Non. D’abord, elle est restée assise dans son lit, et j’ai vu qu’elle concentrait son attention pour respirer lentement. Elle m’écoutait à peine, puis elle a glissé sous le