Quand je suis arrivé à Lisbonne, je savais par qui et pourquoi Titus avait été agressé. Maintenant je peux le dire. J’en avais l’intuition, qui devait m'être confirmée par Evaristo. Ou peut-être est-ce seulement quand Evaristo a parlé, quand il a ouvert la bouche, que les pièces du puzzle se sont mises en ordre dans ma tête. Se sont emboîtées soudain dans mon esprit d’une manière qui m’a paru tout de suite évidente. Comment savoir? Nous savons tant de choses que nous ne savons pas savoir. Ou que nous ne voulons pas savoir, tant que cela est possible et tant que cela nous arrange. Ce qu’il y avait à savoir, je le savais déjà. Ou, du moins, je pouvais le déduire de ce que je savais. Sans grand risque d'erreur. Et puis, Evaristo m’a dessillé les yeux.
Une infirmière venait le veiller, la nuit. Je l’avais recrutée dès le lendemain de mon arrivée. Elle s'accommodait de somnoler dans un fauteuil, près de son lit. Ce soir-là, j’attendais son arrivée pour partir. J'étais pris d’une fringale de traîner dans Lisbonne, je savais qu’il faudrait que je marche beaucoup avant de regagner mon hôtel (j’avais pris un hôtel à deux pas de chez lui.) Mais, quand on a sonné à la porte, ce n'était pas elle, c'était lui.
“Bonsoir, vous êtes Rafael?
— Vous êtes Evaristo, j’imagine! Heureux de vous rencontrer. Dans ses lettres, il me parlait de vous.
— Comment va-t-il ce soir? Il vous a reconnu?
— Oui, je crois. Encore que ses propos restent bien décousus.
— Allons, échappez-vous! Vous êtes assez jeune encore pour une nuit comme celle-ci!
— L’infirmière ne devrait plus tarder.
— Vous avez recruté une infirmière? Vous êtes un bon garçon. Il y avait si longtemps! Il n’en attendait pas tant de vous, ni d’ailleurs de personne! Mais il faudra qu'on se voie, que je vous parle. Il vous a parlé du Chat noir? Venez m’y retrouver. Peut-être demain soir?”
Et le lendemain soir, j'étais au rendez-vous.
Version complète dans Librairie
Commentaires
Enregistrer un commentaire