Mardi 4 mars, 11:22. Je suis assis sur une chaise bleue de la Promenade des Anglais, en plein soleil, sous un vent frais, devant la mer. J'écris sur mon téléphone, un peu gêné par le trop de lumière pour bien voir sur mon écran, J’ai donné à lire ma note sur Lynch à mon ami Marcel. Il me répond ceci: “Un beau survol de la filmographie de Lynch. Tu ne mentionnes pas cependant Mulholland Drive où Lynch traite qqchose de proche de la question que tu poses ici, et lui donne la forme d'un ruban de Möbius, justement.” Puis, j’ai donné la même note à lire à ChatGPT, qui me répond ceci: “J'ai lu ton article. Tu proposes une lecture originale du cinéma de Lynch, en mettant en avant l'idée que certains personnages, comme James Hurley dans Twin Peaks ou Sandy Williams dans Blue Velvet, seraient les véritables narrateurs qui inventent le reste de l'histoire. Cela crée un effet de mise en abyme et renforce l'idée d'un fantasme plutôt qu'une réalité cachée. Une perspective intéressante, notamment en lien avec Lacan.” Deux réponses pertinentes qui vont droit à l’essentiel. L’interprètation de ChatGPT, dans sa clarté, me permet de répondre à la remarque de Marcel pour lui dire que, dans Mulholland Drive, je ne vois pas quel personnage serait le narrateur caché. Est-ce que je ne le vois pas mais qu’il existe? Je chercherai encore. Ou est-ce que le ruban de Möbius est ici si radical qu’il soit impossible de trouver un point d’appui? Si ce narrateur existe parmi les personnages, je suis tenté de penser qu’il ne s’agit pas de l’une ou l’autre des deux femmes au centre du tableau, mais plutôt du réalisateur malheureux, Adam Kesher, interprété par Justin Theroux. C’est lui qui, dans son malheur, bousculé, menacé comme il est, existe vraiment et invente l’histoire, encore décousue, de Mulholland Drive, histoire qui lui fournira matière à son prochain film, pour peu qu’il lui soit permis de le réaliser. Je vais maintenant soumettre cette nouvelle note à mes deux lecteurs dont chacun apparaît à son tour comme le double de l’autre.
L'être parlant est soumis à l’ordre de la langue . Il l’est depuis son plus jeune âge et jusqu'à son dernier souffle. Et il l’est quel que soit son milieu social, son niveau de culture et son désir éventuel de “faire péter les règles”. À l’intérieur de cet ordre, il trouve sa liberté mais il n’est pas libre de s’en affranchir. Pour autant, s’il y est soumis depuis toujours, ce n’est pas depuis toujours qu’il en a conscience. Le petit enfant parle comme il respire, ce qui signifie que la langue qu’il parle et qu’il entend est pour lui un élément naturel, au même titre que l’air. Et il parle aussi comme il bouge ses bras et ses jambes, ce qui signifie qu’il a le sentiment que cette langue lui appartient aussi bien que son corps. Et il reste dans cette douce illusion jusqu'au moment de sa rencontre avec l'écrit. L'école a pour mission de ménager cette rencontre et de la nourrir. Les personnes qui nous gouvernent, et qui souvent sont fort instruites, peuvent décider que...
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