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Affichage des articles associés au libellé Fatalité

Fatalité (4 et fin)

Fabien ne savait pas trop quoi faire de Nestor, non pas que l’enfant fût particulièrement difficile, juste un pré-adolescent boudeur, et quel autre que lui ne l’aurait pas été à sa place, mais parce qu’il se sentait coupable d’avoir quitté sa mère. Autant Fabien était un bon instituteur, aimé de ses élèves et des parents de ses élèves, plein d’autorité et de douceur, autant il était pour Nestor un père malheureux, empêtré, lamentable. Nestor continuait d’habiter à Nice, à la cité Aristote, tout seul avec sa mère, et Fabien en avait la garde un weekend sur deux ainsi qu’une semaine sur deux pendant les périodes de vacances scolaires, et quand c'était le weekend il descendait à Nice pour s’occuper de lui, tandis qu’il allait le chercher à Nice pour l’emmener à Guillaumes chaque fois qu’ils avaient davantage de temps à passer ensemble. Et à Nice, ils n’avaient nulle part où dormir, si ce n’était chez les parents de Fabien où Fabien avait le sentiment d'être traité comme un enfant ...

Fatalité (3)

Fabien était dans sa classe la nuit où les Russes ont effectué leur première offensive aérienne. Les premiers bombardements. C'était la troisième nuit qu’il dormait dans sa classe. Il avait quitté le domicile conjugal et, comme il ne savait pas où aller, il s'était dit qu’il pourrait dormir ici, sur l’estrade. Quand je lui demandais pourquoi il était parti, il ne me répondait pas, ou alors il disait:  — Ne cherche pas, c’est moi qui en ai décidé ainsi, c’est moi qui ai tous les torts. Il avait l’habitude de travailler dans sa classe, de corriger les cahiers de ses élèves, de préparer des cartes, de tracer des modèles, le soir, jusqu’à ce que l'école se vide. Ce premier soir, il est allé manger un steak-frites au self-service voisin, puis il est revenu dans les murs. Il avait apporté de chez lui un sac de couchage et il l’a déroulé sur l’estrade, au pied du tableau noir. Il avait apporté aussi une batterie externe pour recharger son téléphone. Il y avait quelques jours déjà ...

Fatalité (2)

Il n’y a rien d’extraordinaire à cela, pas besoin d’en référer aux théories de la physique quantique. Une histoire commence par la fin, bien sûr, dans tous les cas, qu’il s’agisse d’une histoire qui se déroule dans le monde réel ou d’une histoire inventée. Il faut qu’on connaisse la fin pour en démêler le début, qui n’est jamais d’ailleurs tout à fait le début. Il faut que d’autres évènements se soient produits avant, qui annonçaient la suite, pour conduire un beau jour à la fin qu’on connaît. Où git donc le début? Où s’enracine-t-il dans l’humus de la forêt, arrosé par une pluie fine et patiente? Impossible de le savoir. Pour autant, si on veut raconter, il faut bien commencer quelque part. Ce sera au moment où nous sommes nous-même entré dans le tableau à la place du témoin. Où les choses ont pris forme. Où ce qui était en germe est soudain apparu aux rayons de la lune maligne. Grande cigüe ou mandragore. Autre chose que je veux dire. Fabien et moi avons été amis. Il était arrivé à G...

Fatalité

J’avais souvent imaginé d’aller passer une année, quelques mois au moins, de l’automne au printemps, dans une ville que je ne connaîtrais pas, où je ne connaîtrais personne, et je n’imaginais pas alors une ville touristique, je n’avais que faire des musées et des églises, des jardins ornés de jets d’eau, avec des mares où nagent des canards et des cygnes, j’en avais assez vu de pareilles, je songeais plutôt à une sous-préfecture de Bourgogne ou de la Creuse. L'idée me venait, je crois, de films que j’avais vus quand j’étais jeune. Je ne saurais pas dire lesquels précisément mais ceux de la Nouvelle Vague, où on voit des intrigues se nouer entre la modiste et peut-être un notaire; la silhouette d’une femme qui marche, à la nuit tombée, sur une place déserte, emmitouflées dans son manteau, le col relevé qui cache son visage, les talons aiguilles qui claquent sur le trottoir; des villes où un crime a peut-être été commis dont un inspecteur venu d’ailleurs devra découvrir le coupable...