Je suis debout, sur le trottoir opposé, et je regarde Arsène au milieu de ses amis, derrière la vitre du Sélect. Je ne les entends pas. J’imagine ce qu’ils se disent. Je ne suis pas dans le film, j’en suis le spectateur intermittent, et cette histoire m'est pourtant la plus personnelle. Il n’y a pas d’histoire qui me soit plus personnelle que celle d’Arsène et Elvire, que j’ai si peu connus, que j’ai regardés de loin. Et pendant plusieurs années encore, ce fut l’oubli, jusqu'au jour où de nouveau je l'aperçois derrière les vitres d’un café, mais cette fois ce n'était plus Le Sélect, c'était un bistrot de miséreux, le KWa, situé à l’angle de la rue Vernier et de la rue Trachel, devant lequel je passais souvent depuis que j'étais revenu à Nice, où se retrouvent à longueurs d’années des hommes de tous âges, immigrés d’Afrique du Nord, accablés de tristesse, dont certains au moins attendent là, dès le matin, en buvant des cafés, qu’un contremaître vienne les cherche...
Christian Jacomino