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Articles

Arsène: la cassure

J’ai beaucoup de mal à raccorder l’Arsène que j’ai connu au lycée Henri Bosco à celui qu’il est devenu par la suite. Une pareille dégringolade! Une fin si tragique! On a du mal à l’imaginer. Parfois je me demande si je ne fais pas erreur, si je parle bien de la même personne. J’ai pourtant été un des rares témoins des étapes successives de sa transformation. Le hasard en a voulu ainsi. Voici comment. Après le bac, Arsène est parti à Paris. Pendant les sept ou huit ans qu’il est resté là-bas, nous étions sans nouvelles. Faisait-il des études? Avait-il rejoint une autre partie de sa famille qui l’avait engagé à tenir un restaurant? Vendait-il des voitures? Son père, que nous continuions de rencontrer, ne nous en disait rien. Plus d’une fois, j’ai été tenté d’interroger Elvire. Elle continuait d’habiter la cité Torrin et Grassi. Nous étions voisins, je la rencontrais tous les jours. Mais il était évident qu’elle construisait sa vie. Après le bac, elle avait intégré un IUT niçois et, à sa ...

Mekas, Akerman et moi

Les trois courts de tennis étaient fermés le soir, sauf pendant les deux mois les plus chauds de l’année où ils restaient ouverts jusqu'à dix heures. Ils étaient fréquentés par des employés de l’usine mais aussi par des maîtresses de maison qui profitaient de ce que leurs enfants étaient à l'école. Une pagode servait de bureau à des employés communaux qui veillaient à l’entretien des matériels et qui enregistraient les réservations dans de grands cahiers. En revanche, le terrain de football restait ouvert jusqu'à dix heures en hiver et onze heures en été. Ces horaires avaient été choisis pour accueillir les jeunes dont la plupart étaient nos élèves. On voulait éviter ainsi qu’ils errent dans la ville basse, qu’ils traînent dans les rues désertes et qu’ils chahutent sous les fenêtres des habitants qui voulaient dormir. Les jeunes s’y retrouvaient le soir, après dîner, quand les postes de télévision étaient allumés et qu’ils projetaient une lumière bleutée sur les fenêtres. L...

Arsène et Elvire

Longtemps je suis resté seul à associer leurs noms. À me souvenir quel équipage ils avaient formé. Eux-mêmes en avaient-ils gardé le souvenir? Ce n’était pas certain. Je les avais connus quand ils étaient élèves en classe de seconde au lycée de Contes, au nord de Nice, où je venais d’être nommé. J’avais choisi d’habiter sur place, dans la cité Torrin et Grassi où habitaient la plupart de nos élèves avec leurs familles. Un joli deux-pièces ouvert sur un balcon où je sortais le soir pour boire une bière, et qui m’offrait une vue agréable sur les jardins et les terrains de sport aménagés sur les rives du Paillon. Avec, au loin, les tours grises de la cimenterie. Les fumées de la cimenterie déposaient une poussière blanche sur tout le paysage. Sur les feuilles des platanes qui ombrageaient la route, sur les toits des voitures, sur les jardins et leurs végétations. Les roses n’étaient pas épargnées, et on ne doutait pas qu’elle abimait aussi nos poumons, mais la cimenterie offrait du travai...