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Articles

Chine ancienne

Les jours étaient si clairs que je me laissais surprendre par la soudaineté des soirs, et par l’abondance des pluies qui pouvaient s’abattre alors devant mon balcon. Le bleu le plus tendre continuait d’apparaître entre les nuages gris et roses. Du nombre de livres que j’avais sortis de ma bibliothèque, que j’avais feuilletés et empilés ça et là, dans l’espace étroit comme celui d’une cabane, je gardais une impression de voyages. Mon balcon se transportait en Chine ancienne. Je me souvenais d’une autre montagne que j’avais habitée lorsque j’étais très jeune, et du torrent qui grondait au pied du rocher hirsute où je me tenais debout, en équilibre. Il y a les longs moments où le Vieillard se tient debout, sur son rocher hirsute, les bras croisés, avec le torrent qui gronde en contrebas. Le soir surtout, et la nuit aussi bien. Il faudrait qu’il se penche pour voir l’eau qui court aux tréfonds de la montagne, dans l’obscurité mêlée de racines et de lianes, et dont la voix résonne, mais il ...

Dans les gorges du Daluis

Nous n’étions jamais allés là-bas, nous ne nous étions jamais approchés de cet endroit, nous n’avions même jamais traversé l’Atlantique, et d’ailleurs Fut Manchu (c’était le nom que je lui avais attribué) n’avait pas dit que nous y avions été, il avait seulement dit qu’il nous y avait vus, ce qui incluait que ce puisse être en rêve, par l’imagination. Et si ces images étaient évidemment mensongères (des leurres, des attrape-nigaud, des miroirs aux alouettes), il n’en restait pas moins qu’elles avaient fait sur moi une forte impression, qu’elles m’avaient paru étrangement familières, comme si, plutôt que lui, c’était moi qui les avais rêvées. D’une certaine façon, j’avais cru nous y reconnaître, Louise et moi. Je n’en revenais pas. J’en restais bouche bée. Et, dans les jours qui ont suivi, je n’ai cessé d’y penser, de les revoir. Il fallait qu’à un moment ou un autre de notre existence commune, nous les ayons rencontrées, ces images (ces photos), mais où et quand? Impossible de le savoi...

Voyage au Mexique

Un autre jour il m’a dit: Je vous ai vu au Mexique avec votre femme. Vous aviez un appareil photo entre les mains, un Rolleiflex je crois, vous faisiez du tourisme et là, vous étiez devant la pyramide de Kukulkan que vous essayiez de faire entrer dans la photo. Cela vous dit quelque chose? MOI: Nous ne sommes jamais allés là-bas. Vous êtes sûr que c’était nous? LUI: L’image disait que c’était vous. MOI: Quel âge avions-nous? LUI: Oh, vous étiez jeunes, la quarantaine peut-être. MOI: Quand nous avions quarante ans, nos enfants étaient petits, ils voyageaient avec nous. Jamais nous n’avons voyagé sans eux. Ou peut-être deux ou trois fois à Paris, et une fois à Londres. Pas davantage. Ils n’étaient pas sur la photo? LUI: Non, il n’y avait que vous sur la photo, et aucun autre touriste. Vous sortez d’une forêt où volent des perroquets ou des oiseaux de ce genre, et soudain, dans une clairière, la pyramide apparaît devant vous. Et votre femme se tient dans votre dos, tandis que vous vous ap...