lundi 30 septembre 2024

Souvenirs de plage

Ils ont dîné d’un bol de nouilles et d’un bouteille de bière, juchés sur des tabourets, au comptoir d’un restaurant japonais, rue Biscarra. Puis ils ont repris leur marche en direction du port. Et comme ils traversaient le boulevard Dubouchage plongé dans une obscurité presque complète, Georges a dit:
— J’adore l'été. Quand j'étais enfant et que c'était l'été, il y avait les dimanches que nous passions à la plage. Nous partions à plusieurs voitures, avec des oncles, des cousins, des amis. Nos parents n’étaient pas de très forts organisateurs. Ces parties de plage étaient décidées la veille, à la va-vite, au téléphone. Mais le téléphone était raccroché sans qu’on ait dit où nous irions. Il était convenu que nous nous retrouverions, le matin, à l'entrée de l’autoroute. Je me souviens de rendez-vous qui avaient lieu tout au haut du boulevard Gorbella. À l’heure dite, nos voitures venaient se ranger l’une derrière l’autre sur le bord du trottoir. Nous autres enfants devions rester à l’intérieur, pour ne pas risquer de nous faire écraser, tandis que nos parents quittaient la voiture pour se retrouver et décider ensemble. Ils en profitaient pour acheter, tout près de là, le poulet rôti, la mayonnaise et les parts de pissaladière qui manquaient encore, puis ils revenaient à la voiture et nous partions. Parfois nous n’allions pas plus loin que le cap Ferrat, mais le plus souvent nous filions jusqu’aux plages de la Riviera italienne, ou tout à fait à l’opposé, du côté de l’Esterel. Nos quatre ou cinq voitures formaient un convoi, et de l’une à l’autre, nous nous adressions des grimaces et des signes de la main, derrière les vitres. C’étaient nos pères qui conduisaient et nos mères ôtaient leurs sandales pour poser leurs pieds nus sur le tableau de bord. Et nous, derrière eux, nous reprenions les chansons qu’ils faisaient jouer sur le radio-cassette. Nous chantions avec eux Voyage, voyage, en nous embrouillant dans les paroles. Je me souviens d’une plage de sable, qui était au fond d’une crique, au pied des rochers rouges, et d’un pont romain, ou d’un viaduc qui franchissait une vallée au-dessus de la plage. C’était la plage d'Anthéor, près de Saint-Raphaël. Je l’ai cherchée sur la carte. Pourquoi est-ce que je me souviens de celle-ci plutôt que d’une autre? Les journées que nous passions alors étaient les plus agréables, encore que nous les vivions dans une sorte de vertige, parce que nous avions le sentiment que nos parents nous oubliaient un peu. C’était comme si, par un jour de grand soleil, nous avions survolé le Grand Canyon du Colorado à bord d’un hélicoptère dont le pilote s’était endormi. Sur les plages où nous allions, nous étions livrés à nous-mêmes. Nous nagions, nous jouions dans le sable, nous marchions sur les rochers en tâchant de ne pas tomber et de ne pas nous écorcher la plante des pieds, nous ramassions des coquillages, et nous aussi, nous finissions par les oublier. Et le soir, au retour, nous étions épuisés, nous avions pris des coups de soleil sur le nez, sur les épaules, sur les genoux, nous n’étions pas loin de nous endormir, nous nous endormions par moments, mais d’un sommeil troublé, avec le sentiment que nous avions manqué quelque chose, qu’un événement s’était produit, une dispute peut-être entre nos parents, ou peut-être pas une dispute, à un moment ou un autre de cette journée, qui pouvait n’être pas sans conséquence. Nous pensions que nous n’avions pas été assez vigilants, que nous aurions dû ne pas les quitter des yeux. Qu'en dehors de notre surveillance, ils étaient capables de tout.
Georges se tait. Il a tout dit. Et, dans la même obscurité, c’est Olivier qui reprend:
— J’ai un souvenir qui ressemble à cela, mais c’est le souvenir d’une seule journée. Et cette journée, j’ai eu beau interroger mes parents, je n’ai jamais réussi à la situer parmi nos souvenirs de vacances, si bien que je pense plutôt que je l’ai rêvée.
— Raconte quand même.
— Voilà. La scène se passe à l’embouchure d’un fleuve côtier. Ici, il n’y a pas de rochers, seulement du sable, de l’eau et des roseaux. La mer est plus loin, on ne la voit pas, ou on la voit à peine comme un trait de lumière sur l’horizon. Le fleuve se divise en plusieurs ruisseaux qui courent et qui s’enlisent dans le sable, et sur les bancs de sable il y a les roseaux où nos parents se cachent en petits groupes séparés. Comme dans ton souvenir, il ne s’agit pas d’une seule famille mais de plusieurs, de parents et d’amis qui d’abord se sont baignés dans la mer et qui maintenant se sont dispersés sur ces bancs de sable, pour déjeuner puis pour faire la sieste au milieu des roseaux. Et les membres d'une même famille ne sont pas restés ensemble. Certains au moins se sont dispersés au hasard d’autres groupes. Et nous autres enfants jouons à les surprendre et à les attaquer comme des Sioux. Nous pataugeons dans les roseaux, courbés en deux, nous nous hissons sur les bancs de sable, puis nous écartons les roseaux et nous surgissons soudain avec des cris, et eux crient aussi. Ils disent: “Nous sommes attaqués! Au secours! Qui sont ces méchants bandits?”, et ils nous chassent. Bon, et bien sûr nos corps sont brûlés par le soleil, il y a le sel qui nous gratte et des oiseaux de mer qui s’envolent en battant des ailes au-dessus des roseaux.
— C’est très beau, mais dans ton souvenir il n’y a pas de vertige.
— Non, il y a au contraire un bonheur parfait, que je n’ai jamais connu ailleurs, dans aucun autre souvenir ni dans aucun autre rêve.

samedi 28 septembre 2024

Chez la nurse

Georges lui a donné rendez-vous devant les grilles du jardin Alsace-Lorraine. Il a eu le temps d’aller poser son violon chez lui, et maintenant il attend sur le boulevard Victor Hugo. Il ne sait pas pourquoi Georges lui a donné rendez-vous dans cet endroit plutôt qu’au port où est La Barque rouge, quelque part sur le quai Lunel, d’après ce qu’il a dit, et la soirée est claire et douce comme si le jour ne devait pas finir.

Il est content d’avoir trouvé cette occasion de sortir. Il ne se voyait pas rester chez lui, dans l’appartement désert, près du violon qui dormait dans sa boîte, à regarder la télévision en mangeant l'assiette de gratin de pâtes avec des chipolatas que sa mère a laissée pour qu'il n'ait plus qu'à la réchauffer. Des enfants jouent encore sous les grands arbres. Les allées dessinent des courbes compliquées. Le ciel est bleu et rose avec des traînées de gris. Il y a des balancements de palmes, des froissements de buissons. Il se souvient de l'époque où lui aussi jouait dans des jardins, jusqu'à l’heure tardive où le gardien parcourait les allées en faisant entendre son sifflet pour annoncer qu’il ne tarderait pas à en fermer les grilles. Il portait de longues clés accrochées à sa ceinture. Avec ses camarades, ils jouaient au ballon et, quand la nuit venait, ils étaient essoufflés, trempés de sueur et ils ne voyaient plus leurs mains. 

Il entend les voix des enfants qui refusent de partir. Il ne s’impatiente pas. Il ne comprend pas qu’il y ait si peu de circulation sur le boulevard Victor Hugo, que les passants soient si rares et si vite disparus. Il pourrait attendre longtemps encore sans s’impatienter, jusqu’à ce que la nuit l’efface à son tour. Jusqu’à ce qu’il s’en aille tout seul chercher La Barque rouge, là où elle est, au bout du quai. Puis Georges arrive, sans qu’il l’ait vu venir, et il lui dit:
— Tu sais, la chanteuse ne se produit pas avant onze heures. Nous ne sommes pas pressés. Et je dois d'abord faire une visite à ma nurse qui habite tout près d’ici.
— Ta nurse?
— Oui, enfin, elle a été ma nurse, et c’est maintenant celle de mon petit frère et de ma petite sœur.
Olivier est étonné. Il n’est pas sûr de comprendre. Il hésite puis il dit:
— Je ne savais pas que tu avais un frère et une sœur. Quel âge ont-ils?
— Oh, ils sont petits. Quand mes parents ont divorcé, j'avais dix-sept ans, je n’étais plus un gamin. Ma mère s’est remariée et elle a eu d'autres enfants. Cela ne t’ennuie pas de venir avec moi? Je n’en ai pas pour longtemps. Elle habite rue Kosma. C’est juste là derrière.
Et donc ils s'y rendent ensemble, d'un pas tranquille.

Dans une rue écartée des commerces, derrière le square dont les grilles sont maintenant fermées. Un alignement d’immeubles de quatre étages, précédés de jardins. Dans l’étroitesse de celui-ci, les trois minces rejets d’un bananier poussent dans le même geste, mêlés au feuillage d’un magnolia, et ils forment ainsi un seul bouquet d’une profusion envahissante. Avec la nuit qui tombe, on s’attendrait à y voir battre des ailes et crier des oiseaux aux becs crochus et aux plumes colorées.

Cécile habite au deuxième étage. Georges doit dire son nom derrière la porte pour qu’elle leur ouvre. Elle leur tourne le dos. Elle est lourde, elle se déplace avec difficulté. Vêtue d’une robe de chambre et des pantoufles aux pieds, elle les précède à la cuisine. Là aussitôt elle retourne s’asseoir dans un fauteuil, devant la table couverte d’une toile cirée où elle était en train de dîner d’un bol de café au lait et de tartines. Une miche de pain, le couteau, le bol, le sucrier, le beurrier, la cafetière italienne à portée de la main, ainsi qu’un poste de radio qu’elle éteint. 
— Trouvez-vous une chaise, dit-elle sans les regarder.
— C’est inutile, répond Georges. Nous ne restons pas longtemps. Nous ne voulons pas te déranger.
— Tu ne me déranges pas. Mais je me demande ce que tu viens faire ici, avec ton camarade, à pareille heure? Tu n’as pas mieux à faire?
— Maman m’a demandé de t’apporter ceci.
Georges pose une enveloppe sur la table. La vieille femme jette un coup d’œil rapide dans sa direction, puis elle s’en détourne sans la toucher et sans demander d’explication.

Les deux garçons restent debout devant la table ronde qui prend beaucoup de place. Les chaises sont encombrées de linges, de peluches, de biberons, de jouets. Ils ne voient pas où ils pourraient s’asseoir, et leurs regards sont attirés par les photos qui ornent les murs et qui montrent la nurse à différents âges de sa vie. Sur toutes, elle sourit à l’objectif en compagnie de bébés qu’elle tient dans ses bras, et qui ont dû devenir depuis lors de toutes autres personnes qu’elle aurait bien du mal à reconnaître dans la rue. Olivier cherche des yeux l’entrée d’un couloir qui devrait conduire à la pièce où elle garde les enfants. Sur la table, il y a aussi une boîte en métal peint. La vieille femme l’ouvre d’une main et elle y pioche un croquant aux amandes.
— Servez-vous!” dit-elle en portant le biscuit à sa bouche et en cherchant dans sa bouche les dents qui pourront le croquer. Et les garçons s’exécutent. Puis, se tournant vers Georges, elle ajoute: “Tu diras à ta mère que je la remercie mais que ce n’était pas pressé.” Et comme Georges se contente de sourire, elle le regarde avec plus d’insistance et elle dit: “Elle va bien, dis-moi? Elle n’est pas malade?”
Alors, Georges répond:
— Non, Cécile. Mais maintenant, ce n’est plus pareil, tu comprends? Elle cherche du travail. Elle a des rendez-vous.
— Oui, je sais. Tu lui diras qu’il ne faut pas qu'elle s’inquiète. Ce n'était pas nécessaire qu’elle t’envoie. Cela pouvait attendre.
Mais cette fois, Georges ne sourit plus. Une idée lui a traversé l’esprit, qui le préoccupe. Il dit:
— Ce soir, qui est-ce qui est venu chercher les enfants?
— C’est son amie Chantal.
Et aussitôt, Georges paraît rassuré. Il dit:
— Ah, c’est bien. Elle est gentille, Chantal. Elle a de la patience. Elle leur raconte des histoires. Peut-être qu’ils dormiront chez elle.

Olivier écoute en se demandant qui au juste dormira chez Chantal. Il devine que Georges et la vieille dame parleraient plus librement s’il n’était pas ici. Mais enfin, c’est Georges qui a voulu qu’il vienne. Et tant qu’à être témoin de la scène, il voudrait la comprendre mieux. En s’adressant à son camarade, il dit alors:
— Quand tes parents se sont séparés, tu as habité avec ta mère?
— J’ai toujours habité chez les deux. J’avais une chambre chez ma mère et une autre chez mon père. Et maintenant que j’habite avec Victorine, ça m’en fait trois.
Il y a un silence. Olivier ne veut pas poser davantage de questions, mais Georges n’a pas tout dit. Il prend son temps, puis il ajoute:
— Quand mes parents ont divorcé, ma mère était enceinte de Vincent, qui était l’enfant de son nouveau mari. J’ai continué à beaucoup la voir, ainsi que Vincent et ensuite Clotilde quand elle est née. Même quand je dormais chez mon père, je venais chercher les enfants chez elle, le matin, pour les amener ici. Et même encore maintenant, avant d’aller à mon travail. 

Cécile ne commente pas mais elle sourit. Elle n’a pas l’air fâchée que Georges ait fait cet aveu. Un aveu, c’est une façon toujours de se simplifier la vie. Puis elle s’adresse à Olivier. Elle dit:
— Et vous Monsieur, vous avez eu une nurse quand vous étiez petit?
— Non, c’est ma mère qui m’a gardé. Elle a recommencé à travailler avec mon père quand je suis rentré à l'école. Ils travaillent encore ensemble, au magasin. Ils ne tarderont pas à prendre leur retraite. Mais je me dis qu’avec tous ces enfants, vous avez eu une vie bien remplie.
— C’est vrai, et je les aimais beaucoup quand j'étais jeune. Mais maintenant, voyez-vous, je suis fatiguée. Il faut souvent que je me retienne de crier après eux ou de leur donner une tape sur les fesses. Et vous voyez dans quel état ils mettent la maison. Heureusement qu’il y a le jardin qui est à ma porte, où j’ai mes habitudes, sinon je ne pourrais pas. Je deviendrais folle.
— C’est l’été qui vient. Peut-être allez-vous prendre des vacances?
— Oh, j'ai une sœur qui habite en Bourgogne, au bord du canal, avec un joli jardin. Elle m'attend, et je crois que j’aurais tout arrêté, que je serais partie déjà s’il n’y avait pas les deux petits d’Ariane. (Puis, se tournant vers Georges.) Je croyais que ta mère aurait une vie tranquille, qu’elle serait heureuse avec cet homme. Elle l’avait tellement voulu. Et voilà que maintenant…

Dans l’air de cette cuisine, aux odeurs d’orange et de café s’ajoutent celles de lait suri, de couches malpropres et de litières de chats. La fenêtre est ouverte sur la rue, mais l’air de la nuit est trop immobile pour apporter aucune fraîcheur. Georges n’a pas fini la phrase commencée par la nurse. Il ne veut pas le faire, alors il invente de dire:
— Toi, Cécile, tu as été plus sage. Tu ne t’es jamais mariée…
— Et je n’ai pas eu d’enfant.
— Tu as eu les enfants des autres, et puis des chats…
— Les chats, il faut que je les enferme pour qu’ils ne griffent pas les enfants. Mais parfois ce sont eux, les enfants, qui vont les chercher. Je tourne le dos et ils ouvrent la porte.
— Mais enfin, Cécile, ils sont petits. Comment font-ils pour ouvrir la porte?
— Je ne sais pas comment ils font. Mais assez dire des sottises. Vous avez autre chose à faire, à cette heure, jeunes et beaux comme vous êtes, que de parler avec moi.

jeudi 26 septembre 2024

Inventer enfin

La vieillesse est un moment bien choisi pour se raconter des histoires. Je veux dire, pour inventer des histoires qui seront destinées d’abord, et peut-être seulement, à son propre usage, à son propre amusement, ou même, pourquoi pas, à une forme de délectation morose. Et ces histoires, on les inventera bien sûr à partir de sa propre expérience.

La vieillesse est un moment, en effet, où on a beaucoup vécu en même temps qu’en général on ne vit plus grand-chose; où on a connu toutes sortes de gens, “des prétendus coiffeurs, des soi-disant notaires“ (G. Brassens), tandis qu’à présent on ne voit plus grand monde; où souvent même on se retrouve seul et où on est délivré de presque toute obligation; où on n’a plus qu’à s’occuper de soi, de la santé de son corps et celle de son esprit. Et où, surtout peut-être, on ne doit plus rien à personne, pas même la vérité d’un quelconque témoignage.

Alors, pourquoi se priver de le faire?

J’imagine que l’invention d’histoires doit occuper une place importante dans la vie des malades et des prisonniers. Je me suis toujours demandé si les prisonniers des camps de la Shoah s’inventaient des histoires; je crois que la réponse est oui. Et Jean-Paul Kauffmann, pendant les trois années où il fut prisonnier au Liban, s’inventait-il des histoires au fond de sa geôle? Je voudrais lui poser la question.

Quant à la nature de ces histoires, il me semble qu’elles présentent deux caractères apparemment contradictoires mais qui sont en réalité complémentaires.

Si l’on veut pleinement profiter de l’immense liberté que la vie nous accorde enfin, on les inventera à partir du matériel dont on dispose, c’est-à-dire de ses propres souvenirs, sans se soucier de faire d'importantes recherches qui alourdiraient le propos et brideraient l'imagination.

Convainquons-nous que la question de l'exactitude n'est plus de mise.

J’adore l’idée de faire avec ce qu’on a, de pratiquer en cela une forme d’art que je qualifierais de minimaliste. Mais j’adore aussi l’idée de transformer, d’agencer, de déplacer, de coller, d’ajouter, de retrancher, comme nous avons l’habitude de voir que font nos rêves. Car autant admettre une fois pour toutes que la réalité des faits n’est pas le tout de l’expérience, et que, par conséquent, en rendant compte de la réalité des faits, on ne fait encore que se mettre à couvert. On se donne prétexte à ne pas dire ce qui compte vraiment.

J’y pensais voici peu en relisant Dix heures et demie du soir en été, de Marguerite Duras. Je me disais que ce récit rend compte sans doute d’une expérience vécue par l'auteure, qu’il se situe sans doute au plus près de cette expérience, en même temps que, très probablement aussi, il procède d’une géniale invention. Celle de Rodrigo Paestra, qui aurait tué sa jeune épouse de dix-neuf ans ainsi que son amant. Dans une nuit espagnole essuyée par des tonnes de pluie, le personnage se réduit à une ombre cachée sur les toits. Toute la police le recherche, tandis que la narratrice, ivre de manzanillas, veut l’aider à s’enfuir.

Et je me disais aussi que cette invention, loin de travestir la vérité, permet à son auteure de rendre compte d’une expérience vécue qui, sans elle, n’aurait pas pu se dire, en même temps qu’elle fait ressembler cette œuvre à petit un roman populaire, accessible à tous, sombre à ravir, proche de ce qu’on trouve dans les mêmes années chez David Goodis ou William Irish.