Je me rends compte à présent que j’ai dû passer pour un drôle d’individu, un type bizarre et un peu inquiétant. Nina me l’avait dit, je ne voulais pas le croire, et puis, il y a quelques jours, elle m’a montré sur son téléphone des photos où on me reconnaît. Elles avaient été prises quand j’habitais rue Dabray et que je passais mes journées et mes nuits à arpenter les rues. Elles figurent sur les comptes Instagram d’abonnés qui s'intéressent aux styles vestimentaires de ceux qu’ils rencontrent dans les rues, dans différentes villes du monde, qu’ils soient jeunes ou vieux pourvu qu’ils fassent preuve de goût et d’inventivité dans la façon de se vêtir, et moi je figure parmi eux encore que je ne sois jamais habillé que de noir. Sans doute est-ce à cause de ma grande taille, de ma maigreur, de mon visage glabre et de mon crâne rasé. Je figure là, par contraste sans doute, parmi ceux qui portent le plus souvent des vêtements charmants et excentriques, aux couleurs audacieuses. C’est le...
Si j’en crois le calendrier, un peu plus d’un an à peine sépare le décès de Louise du moment où je suis venu m’installer rue des Boers, dans le studio que j’occupe à présent et où je profite d’une terrasse abritée. Et trois années encore séparent mon installation à cette nouvelle adresse du moment où j’ai rencontré Rudy, lors de son escale à Nice. Nous marchions, côte à côte, dans la nuit, en direction de l’aéroport, quand Rudy m’a posé une question toute simple et innocente à laquelle, sur le coup, je n’ai pas su répondre. Il a voulu savoir pourquoi j'étais allé me perdre dans un quartier si éloigné du centre-ville. Après son départ, j’y ai réfléchi et pour la première fois j’ai mesuré la place qu’occupe dans ma vie cette année de deuil où j’ai loué une chambre meublée à l’étage du bar-tabac Le Dabray, année durant laquelle j’ai navigué entre le rêve et la réalité, les vivants et les morts. Aujourd'hui, j’ai rejoint la terre ferme, je ne suis plus l’ombre, l'âme errante qu...