Un canular se répétait il y a deux ou trois décennies encore, qui consistait à adresser à de grands éditeurs une copie d' Une saison en enfer ou des Illuminations avec la mention d'un auteur inconnu. Invariablement, le manuscrit était refusé, ce qui faisait beaucoup rire. J'imagine que, de la part des auteurs cachés du canular, il s'agissait de montrer que les éditeurs étaient incompétents, et sans doute fallait-il qu'ils le soient assez pour ne pas reconnaître ces textes. Pour autant, est-il bien certain que nous-mêmes lirions ces textes de la manière que nous faisons si nous ne savions pas qu'ils sont d'Arthur Rimbaud? Et qui s'attacherait à lire Finnegans Wake , et encore moins à le traduire, s'il ne savait pas qu'il est de James Joyce? Il me semble que la question se pose. La plupart des poèmes qui figurent dans Les Fleurs du mal sont très beaux et faciles à lire. Ils s'imposent d'eux-mêmes. Il n'en reste pas moins que nous sav...
Je propose de considérer les œuvres d'art comme des actes de langage, ce qui revient à les envisager sur le versant de l'énonciation en même temps et tout autant que sur celui de l'énoncé. Cette approche devrait permettre de mieux comprendre ce qu'est une œuvre d'art, en quoi consiste sa valeur, et de répondre à la question de savoir dans quelle mesure une production de l'IA peut être regardée comme une œuvre d'art. D'abord, un rappel historique qui devrait nous mettre sur la voie. En 1996-1997, le champion du monde d'échecs Garry Kasparov est opposé au supercalculateur Deep Blue d'IBM. Il remporte le premier match (1996) et perd le second (1997). Après quoi, l'intérêt pour des duels homme-machine au plus haut niveau diminue, car les programmes informatiques d'échecs continuent à progresser, dépassant de manière constante la force des meilleurs joueurs humains. Le fait est connu. Le point important consiste, de mon point de vue, dans ce q...