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Le spectacle du roman

L’histoire que pour le moment j’intitule Des lumières sur les collines , et dont j’ai publié les premières pages ici , au fur et à mesure que je les écrivais, en même temps que je les inventais, à présent je continue d’y travailler ailleurs, sur un blog dédié, l'idée étant de peaufiner le scénario avant d’écrire la suite, soit un dédoublement du travail d’écriture auquel je ne m'étais jamais livré jusqu'à présent et qui a toutes les chances de se solder par un échec. Depuis longtemps pourtant je défends la distinction que fait Aristote à propos de la rhétorique entre  L' inventio (invention, qui est l’art de trouver des arguments et des procédés pour convaincre).  La dispositio (disposition, qui est l’art d'exposer des arguments de manière ordonnée et efficace).  L' elocutio (élocution, qui est l’art de trouver des mots qui mettent en valeur les arguments, ce qu’on appelle aujourd’hui, de manière dangereusement restrictive “le style”, comme si le style ne rel...
Articles récents

4. L'envol

Après la mort de Viviane Hayward puis la fin de la crise sanitaire, la vie de Daniel a beaucoup changé. En l’espace de quelques mois, il est devenu marchand et réparateur de vélos. Ses parents se sont associés pour acheter un garage qui existait déjà, rue Vincent Fossat, à deux pas de la rue Parmentier où il continue d'habiter, et ils en ont fait le gérant, rôle qu’il assume avec beaucoup de sérieux. Il a renoncé au poker et il paraît bien décidé à faire en sorte que son garage devienne l'un des rendez-vous incontournables du cyclisme azuréen. Il a une stratégie pour cela: il va courir le dimanche matin avec ceux de ses clients qui ont déjà leurs habitudes sur les routes de l'arrière-pays. Il les suit comme il peut, encore que la plupart soient plus âgés que lui, et de chacune de ces randonnées il rapporte de courtes séquences vidéo qu’il réalise avec une caméra frontale, et qu'il projette ensuite sur un grand écran qu’il a fait installer dans le magasin, puis qu’on peu...

3. The Bling Ring

Le lendemain matin, je me suis réveillé tard, et tout de suite j’ai su que je ne retournerais pas au boulevard de la Libération. Ce que Daphné m’y avait dit, je m’en souviendrais un jour, et il serait bien temps alors que je le sache, ou bien je ne m’en souviendrais pas et ce serait sans importance. Je suis descendu me promener sur le Vieux Port et bientôt j’ai eu l'idée d’aller déjeuner à la brasserie Le Grillon, sur le cours Mirabeau, à la suite de quoi je rentrerais à Nice pour me coucher et dormir. Le Grillon était un lieu que nous regardions de l’extérieur, quand nous étions jeunes, pendant les deux années où nous avons habité là-bas, rue de l’Aumône-Vieille, parce que nous étions trop pauvres alors pour nous y asseoir. Mais nous ne manquions pas d’y prendre nos repas chaque fois que, par la suite, nous retournions à Aix pour faire des emplettes et célébrer notre passé. Et, depuis cinq ans, j’avais évité d’y faire le pèlerinage que je me sentais capable de faire à présent. Un ...

2. Au Mama Shelter

Cette fois, j'étais venu en voiture. Mais c'était de nouveau l'automne et, quand je suis arrivé, il faisait déjà nuit. Plusieurs fois au cours des dernières années, j’avais consulté le plan de la ville pour ancrer mon souvenir dans le monde réel, et mon attention avait fini par se concentrer sur une zone qui s'étendait de la gare Saint-Charles au parc Longchamp. Et, à force, le boulevard de la Libération m’était apparu comme le résultat le plus probable de ma recherche. J’ai laissé ma voiture dans un parking souterrain et je m’y suis rendu à pied. Et aussitôt que j’y suis parvenu, je n’ai plus douté. En effet, il était en pente, parcouru par une ligne de tramway, et l’absence presque complète de vitrines éclairées aux rez-de-chaussée des immeubles lui donnait dans la nuit un air d’abandon. Mais de là à retrouver l'entrée de l’immeuble où Daphné avait habité et où j'étais venu la rencontrer, c'était une autre affaire. On parlait beaucoup, à cette époque, des ...

1. Daphné

J'étais allé à Marseille pour retrouver un immeuble dont j’avais perdu l’adresse. Bien des années auparavant, j’y avais fait une visite à une femme qui avait été une amie de ma mère et qui avait demandé à me voir. J'étais arrivé à Marseille par le train, un après-midi d’automne, j’avais passé la soirée chez elle et j’y avais dormi. Depuis toujours je connaissais son existence mais je l'avais rencontrée peu souvent et jamais bien longtemps. Il y avait les photos que ma mère me laissait voir. De furtives apparitions dans le couloir de notre appartement de l’avenue Jugnot. Un rire, un parfum qu'elle laissait derrière elle. Son invitation tardive m'avait surpris. J’y avais répondu en pensant qu’elle me parlerait de ma mère. Les deux femmes avaient été liées par une longue amitié, elles avaient voyagé ensemble, elles étaient allées au cinéma, au concert, elles avaient échangé des livres, elles avaient beaucoup parlé, et j’avais imaginé que Daphné (c'était son nom) me...

17 - Final(e)

Ils savaient que Flora ne refuserait pas de rendre le fusil et les photos, qu’il serait facile de la convaincre. Mais concernant les photos, avait-elle conscience de les avoir volées? Et quelle serait sa réaction quand elle l’aurait compris? La question était épineuse. Elle a donné lieu à une réflexion à laquelle j’ai eu la chance de participer, un matin de septembre où nous nous sommes retrouvés tous les trois au Café du Cycliste, sur le quai des Docks. Dans le scénario que nous avons élaboré, il restait une part d’incertitude. Nous savions qu’à un moment ou un autre, il faudrait improviser. Néanmoins, les lignes générales étaient très claires. Daniel est entré dans la maison et, sous la menace de l’arme que la pauvre femme braquait sur lui, il lui a dit: — Flora, il faut que tu rendes les photos. Elles ne sont pas à toi, elles sont à Viviane et Viviane veut qu’elles reviennent à Cynthia, sa nièce! Tu comprends? Tu veux bien? Flora a aussitôt baissé son arme, et elle a dit: — Viviane ...

16 - Une sorcière chamanique

Quand Langlois lui parle du bref échange qu’il a eu avec Richard Janvrin, Daniel n’entend qu’une chose: Flora devra vendre sa maison. Et pas à n’importe qui — au couple Brandone, des gens riches et vulgaires, qui la harcèlent depuis le premier jour dans le but d’agrandir leur jardin. C’est à peine s’il peut dire qu’il connaît l’infirmière. Combien de fois l’a-t-il rencontrée? Et qu’a-t-elle pu lui laisser deviner des troubles dont elle souffre? De plus, il a toute raison de penser qu’elle vole les photos de Viviane, des photos qui doivent revenir à Cynthia, laquelle s’est engagée un jour à en dresser le catalogue, et à en faire des livres et des expositions. Mais c’est comme s’il avait compris quelque chose de plus profond, rien qu’à la voir. Il ne saurait mettre des mots sur ce qu’il devine, mais Flora a acquis à ses yeux le statut trouble et prestigieux d’une sorcière chamanique. Et l’idée qu’on puisse la chasser de sa maison lui est insupportable. Il dit au commissaire: “Mais enfin,...