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L'Homme en noir

Je me rends compte à présent que j’ai dû passer pour un drôle d’individu, un type bizarre et un peu inquiétant. Nina me l’avait dit, je ne voulais pas le croire, et puis, il y a quelques jours, elle m’a montré sur son téléphone des photos où on me reconnaît. Elles avaient été prises quand j’habitais rue Dabray et que je passais mes journées et mes nuits à arpenter les rues. Elles figurent sur les comptes Instagram d’abonnés qui s'intéressent aux styles vestimentaires de ceux qu’ils rencontrent dans les rues, dans différentes villes du monde, qu’ils soient jeunes ou vieux pourvu qu’ils fassent preuve de goût et d’inventivité dans la façon de se vêtir, et moi je figure parmi eux encore que je ne sois jamais habillé que de noir. Sans doute est-ce à cause de ma grande taille, de ma maigreur, de mon visage glabre et de mon crâne rasé. Je figure là, par contraste sans doute, parmi ceux qui portent le plus souvent des vêtements charmants et excentriques, aux couleurs audacieuses. C’est le...
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INTÉRIEUR NUIT

Si j’en crois le calendrier, un peu plus d’un an à peine sépare le décès de Louise du moment où je suis venu m’installer rue des Boers, dans le studio que j’occupe à présent et où je profite d’une terrasse abritée. Et trois années encore séparent mon installation à cette nouvelle adresse du moment où j’ai rencontré Rudy, lors de son escale à Nice. Nous marchions, côte à côte, dans la nuit, en direction de l’aéroport, quand Rudy m’a posé une question toute simple et innocente à laquelle, sur le coup, je n’ai pas su répondre. Il a voulu savoir pourquoi j'étais allé me perdre dans un quartier si éloigné du centre-ville. Après son départ, j’y ai réfléchi et pour la première fois j’ai mesuré la place qu’occupe dans ma vie cette année de deuil où j’ai loué une chambre meublée à l’étage du bar-tabac Le Dabray, année durant laquelle j’ai navigué entre le rêve et la réalité, les vivants et les morts. Aujourd'hui, j’ai rejoint la terre ferme, je ne suis plus l’ombre, l'âme errante qu...

Hermione

La première fois que je me suis approché de leur table, que j’ai tiré une chaise et que je me suis assis avec eux, Julien Morelli n’a pas fait l'étonné. Il a dit: — Vous avez mis le temps! Il était comme le roi d’un très petit royaume, qui accueille un voyageur à sa cour, en présence de ses barons réunis. Ensemble ils considèrent celui qui se présente et le jugent à sa mine. Je n’ai pas répondu. Il a dit: — Inutile de demander qui vous envoie! Comment se porte l’inspecteur Auden? Je vois qu’il se fait toujours du souci pour nous. Depuis que l'inspecteur Auden m’avait lancé dans l’aventure, que j’avais commencé de fréquenter L'Agadir, que je les avais observés depuis le comptoir où je restais accoudé, que nos regards s'étaient croisés à travers les volutes de fumée, parmi ceux qui buvaient du café et qui jouaient aux dominos, chaudement couverts parce que le poêle était poussif et que dehors il faisait froid, j’avais essayé plus d’une fois d’imaginer à quoi ressemblerait...

Conte d'été

Leur maison était dans la montée qui conduit au monastère franciscain, au sommet du village. Nous avions dîné dans le jardin qui se trouve derrière la maison, un jardin étroit où on étend du linge, et maintenant il faisait nuit. Ce devait être vers la fin du mois d’août. Je découvrais ces gens. Il devait bien y avoir deux ou trois arbres fruitiers dans ce jardin, je dirais des pruniers, et des cordes tendues entre leurs branches pour y faire sécher du linge. J'imaginais de grands draps qui battent dans le vent, sous des nuages qui filent à toute vitesse en changeant de formes et de couleurs. On était dans la montagne, pas très haut encore, mais pas loin du col qui bascule vers l’Italie. J'étais venu avec Louise. Louise et Charlotte se connaissaient depuis l'enfance, on ne pouvait pas dire qu’elles étaient amies, mais elles avaient un passé commun de militantisme politique hérité de leurs pères, et des attaches dans ce village où Charlotte et Abel avaient cette maison. Louis...

No Sense

Arsène hérite de ses parents leur appartement de la rue de Massingy, le chalet de la Colmiane et une confortable assurance-vie. À dix-huit ans, il décide de vendre l’appartement et le chalet et de revenir à Nice pour vivre de ses rentes. Il louera un petit appartement pas trop cher, dans un quartier tranquille, et il s'efforcera de mener une vie discrète au milieu de personnes occupées davantage que lui à toutes sortes d’activités savantes ou lucratives. Pourquoi veut-il retourner à Nice alors qu’il pourrait continuer d’habiter à Méré en compagnie de son oncle avec lequel il s’entend à merveille, comme s’ils s’étaient toujours connus? La réponse est simple: ayant perdu ses parents et, avec eux, toute raison de choisir un métier pour les années à venir, il veut renouer avec les lieux et les quelques camarades qui sont importants pour lui. Il veut se rapprocher de Nina. Et Pierre n’y voit aucun inconvénient mais il ne peut pas s’empêcher de trouver étrange ce qui leur arrive. Qu’est-...

L'oncle Pierre

Pierre s'inquiète pour Arsène. Pierre est l’oncle d’Arsène et Arsène a perdu ses parents. Ceux-ci sont morts ensemble dans un accident de voiture. Ils étaient propriétaires d’un chalet à La Colmiane-Valdeblore où ils passaient leurs fins de semaines et la plus grande partie de leurs vacances, puis un jour, comme ils étaient chez eux, à Nice, ils reçoivent un appel téléphonique du commissariat de Saint-Martin-Vésubie. On leur dit que leur chalet a été visité par des cambrioleurs, qu’on les attend pour les constatations d’usage. Le lendemain, ils s’y rendent en voiture, ils font la liste des pertes et des dégâts en compagnie d’un policier, puis celui-ci les quitte, et quand ils se retrouvent seuls ils s'aperçoivent qu’ils ne peuvent pas rester dans cette maison, que c’est impossible. Évelyne appelle sa meilleure amie pour lui parler de ce découragement qui les assaille, son mari et elle, de ce mauvais sentiment qu’ils éprouvent à l'égard de la maison, comme s’ils ne la reconn...

Un mariage

Nina est invitée à la fête donnée pour le mariage de sa cousine Isabelle, et elle demande à Arsène de l’accompagner. C’est en automne et la fête est donnée dans une auberge située sur la plaine du Var, au bord de la route bordée de grands platanes qui file tout droit vers la montagne. Quand Nina et Arsène arrivent à l’auberge, il fait nuit, une pluie abondante et tiède inonde la route, et la fête a déjà commencé.  Ils sont venus en taxi. On aperçoit les fenêtres éclairées de l’auberge, de l’autre côté de la route. On les voit traverser la route en se tenant la main de crainte de glisser, et en baissant la tête sous la pluie qui secoue les arbres, qui s’abat sur eux par rafales. Ils arrivent trempés. Nina a demandé à Arsène de l’accompagner à cette fête parce qu’elle craignait de s’y ennuyer. Elle a pu dire quelque chose comme: “Ma cousine est très gentille mais nous ne nous ressemblons pas beaucoup, nous n’avons pas les mêmes goûts ni les mêmes amis, je ne connaîtrai personne.” Et ...