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L'heure de Jazzafip

C’est un écrivain qui raconte cela, je ne sais plus lequel, je ne sais plus son nom, c'était à la radio, il disait qu’un soir il rend visite à sa mère qui est vieille et qui vit seule, et comme c’est l’heure du dîner, elle lui sert des harengs avec des pommes de terre, alors il mange ce qu’elle lui sert et il lui dit, tu n’as à manger que des harengs avec des pommes de terre, à quoi, un peu fâchée, elle répond, si tu m’avais prévenue de ta visite je t’aurais préparé autre chose mais tu ne l'as pas fait

et lui alors, et je ne sais plus si c’est quelque chose qu’il dit à sa mère ou maintenant à la radio mais il proteste qu’il ne se plaignait pas pour lui mais qu’il s'inquiétait pour elle, comment pouvait-elle le comprendre autrement, comment pouvait-elle imaginer qu’il lui faisait le reproche d’avoir ainsi pour tout dîner en solitaire des harengs avec des pommes de terre bouillies et peut-être un bol de café au lait, comme s’il manquait de cœur, comme s’il n’eût pas été son fils.

Il arrive ainsi qu’à la radio on entende des choses qui nous marquent, des choses qui nous restent parmi toutes celles beaucoup plus nombreuses qui nous échappent, au jour le jour, des choses qui sont insaisissables comme toutes celles importantes de la vie. Que nous n'attendions pas et que nous oublions presque aussitôt ou que nous n’oublions pas mais sans pour autant pouvoir leur mettre du sel sur la queue et ainsi les retenir.

J’écoute la radio un peu le matin mais principalement le soir, quand je me prépare quelque chose à dîner et que c’est l’heure de Jazzafip, et souvent ou assez souvent en effet ce sont des harengs avec des pommes de terre bouillies ou alors un bol de soupe en bouteille que j'achète à Biocoop avec une boîte de maquereaux au vin blanc, le tout que j’accompagne d’une ou deux bières belges, des Duvel.

C’est alors un grand bonheur pour moi. Tous les numéros de l'émission ne sont pas aussi magiques, ne correspondent pas aussi exactement à mon goût, en plus il se trouve que je suis toujours tenté de passer sur Franceinfo pour ne rien perdre de l’actualité politique, parce que je ne peux pas imaginer de rester tout à fait ignorant de l’actualité politique, de la guerre en Ukraine et de l'unité des pays européens qui est en train de se construire pour aider ce pays à contrer l’invasion de l’armée russe, mais très souvent ce que j’entends sur Jazzafip me suffit et fait plus que me suffire.

Les Évangiles parlent de surabondance de grâce et je crois que c’est de cela qu’il est question ici, de la vieillesse de la solitude et en même temps de la surabondance de grâce que me procurent presque tous les soirs à la même heure les numéros de Jazzafip.

Hier soir nous étions le mercredi 12 mars 2025 et dans le numéro de Jazzafip il était beaucoup question d’une chanteuse et pianiste américaine appelée Meredith D’Ambrosio dont je n’avais jamais entendu parler jusqu’alors et dont la voix et le style m’ont ravi.

Après mon dîner qui ne dure jamais bien longtemps j’ouvre la fenêtre de mon unique pièce à vivre et je m'assieds sur mon fauteuil en rotin pour fumer ma pipe en continuant d'écouter la radio, après Jazzafip il m’arrive le plus souvent de passer sur France Musique pour le concert du soir, et hier soir il pleuvait abondamment derrière mon balcon, dans la lumière du réverbère qui se trouve à l’angle de la rue des Boers et de la rue Puget, tandis que j'écoutais de la musique en fumant ma pipe, et c'était dans la conjonction de ces différentes choses que consistait la surabondance de grâce que je recevais du ciel 

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