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Articles

Delphine Horvilleur au CUM

L'amphi du CUM était bourré. J'achète un livre de Delphine H. et je vais vers elle, dans une longue file, pour qu'elle me le dédicace. Elle me demande à quel nom. Je lui dis mon prénom. Elle sourit. Je lui dis alors: "Oui, un goy!" Elle me répond en souriant encore: "Vous devez bien être deux ou trois dans la salle."

Le balcon (3 et fin)

Un autre jour, il m’a dit: “Quand notre père est mort, j'avais treize ans et Antoine en avait seize. Et de ce jour, il est devenu le chef de famille. Nos sœurs étaient plus grandes mais elles étaient mariées, elles avaient des enfants, et elles étaient plus souvent chez notre mère que chez elles. Ma mère faisait à manger pour tout le monde, c'était désormais à Antoine de rapporter un salaire. Il venait de passer son certificat d'études. Il avait toujours été un excellent élève, surtout en mathématiques, il avait dans l'idée de devenir géomètre. Mais une semaine après la mort de notre père, il a trouvé un emploi chez un marchand de vin, où il est resté à s’occuper des commandes et des livres de comptes pendant les quatre années qui ont suivi. Chaque semaine, il apportait sa paie à notre mère. Mais aussitôt qu’il a rencontré ta mère, il a pensé à se marier, et pour que ton grand-père accepte ce mariage, et pour qu’il puisse continuer en même temps d'aider notre mère, ...

Le balcon (2)

À partir de ce jour, je suis retourné chez lui chaque après-midi. J’arrivais après l’heure de sa sieste et je restais jusqu'à celle du soir où l’infirmière lui faisait sa seconde visite. J'échangeais quelques mots avec elle, les plus indispensables, puis je m'en allais. Maintenant, il ne me recevait plus dans son salon mais sur le balcon de sa chambre. Nous avions essuyé, au début de l’automne, des orages et des pluies d’une violence à laquelle nous n'étions pas habitués. Les rues, les parkings, les caves avaient été inondées. Des voitures emportées. Pendant des semaines, nous avions vécu dans une obscurité de forêt tropicale qui confondait les jours avec les rêves de nos nuits, et puis soudain le soleil était revenu et jamais, à l’inverse, le ciel n’avait paru si bleu, jamais l’air n’avait été si limpide. Je me souviens de ces après-midi passés sur son balcon. Bien sûr, assis seul en face de lui, l’idée du drame qui avait marqué mon destin avant même que je naisse ne p...

Le balcon (1)

Florent m’a appelé, un soir, pour me dire que son père était malade. Il sortait d’une grave opération, et Florent était en Argentine, où il habitait, tandis que son père était à Nice. Il m’a dit: “Louise vient le voir chaque semaine, mais elle habite loin, tu le sais, elle doit prendre le train. Alors, si tu peux aller le voir.” Je me suis demandé de quand datait la dernière visite que je lui avais faite. C'était au milieu de l'été, je m'étais inquiété pour lui à cause de la chaleur, et nous étions en novembre. Ce n'était donc pas si vieux. Et je l’avais trouvé en bonne forme, il était fier d’avoir maigri. Et comme chaque fois, il m’avait fait faire le tour de son appartement pour me montrer qu’il était propre et tout le confort moderne dont il était pourvu. Le réfrigérateur, qu’il avait ouvert pour m’en montrer l’intérieur, le four à micro-ondes, la machine à café, les postes de télévision dans chacune des trois pièces, le tourne-disques qui était au salon, et les phot...

Quid des histoires?

Une histoire, c’est ce qui vaut d'être raconté. Un auteur raconte une histoire parce que, selon lui, elle mérite d'être racontée. Et, quand il la propose au lecteur, c’est sous la forme d’une question. Il attend de savoir si celui-ci voit bien ce en quoi elle mérite d'être racontée. Ce en quoi l’histoire vaut d'être racontée, ni l’auteur ni le lecteur ne peuvent le dire, sans quoi l’histoire ne mériterait pas d'être racontée. Car alors, il suffirait de le dire, tandis que l’histoire dit ce qu’elle dit comme elle le fait, dans son ordre et son intégralité, et pas autrement. Pour autant, auteur et lecteur peuvent se parler et faire signe, l’un comme l’autre, vers ce qu’ils comprennent de l’histoire, et s’entendre à peu près là-dessus. Les critiques s’y emploient. Selon la définition que je propose, une histoire a donc une valeur. Et cette valeur n’est pas relative, ce n’est pas un prix. Elle est incommensurable, c’est-à-dire absolue. C’est une histoire, et elle a une ...

Le Quatuor de Saint-Ouen

Une professeure de français veut écrire un roman. Elle appelle un ancien compagnon pour le lui raconter au téléphone, au fur et à mesure qu’elle l’invente. Il y est question d’une professeur de français qui s’attache à un quatuor de très jeunes gens qui se retrouvent à Saint-Ouen sans qu’on sache très bien ce qui les rassemble. Il y est question de Brigitte Fontaine et de Carson McCullers. On reconnaît un thème illustré par Mikhaël Hers dans Primrose Hill (2007). 3380 mots. Environ 14 minutes de lecture. Texte intégral